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La différence de mon Petit Prince

Trouble du spectre de l'autisme - Autisme et TSA


Alors que le diagnostic n’était pas encore posé, je sentais bien que mon enfant n’était pas comme les autres. Mais il était beau, sage, il avait beaucoup d’émotions alors je me disais que peut-être il n’était pas si différent des autres. 






Je n’avais pas de points de comparaison : je n’avais pas d’amis ou de famille avec enfants, il était encore trop petit pour aller à l’école, et comme il était mon premier enfant, je ne savais pas, réellement, que mon intuition était vraie. Dans ce contexte où je vivais avec mon fils c'est-à-dire dans une sorte de cercle fermé, j’avais du mal à voir à quel point mon fils était différent.
C'est alors que mon fils était en maternelle que le diagnostic d'autisme est arrivé. Il y avait certes d'autres enfants autour de lui, mais volontairement ou non, je me suis mis des œillères. Je ne le trouvais pas si différent. En fait, ce sont les autres qui me rappelaient sans cesse qu’il y avait une différence : dans leur regard, dans le fait de détourner les yeux, où quand les autres enfants ne voulaient pas jouer avec lui.
Mes pires moments, je les ai vécus au parc. J'emmenais mon Petit Prince au parc, le dimanche, et je m’asseyais sur un banc. Là, je pouvais voir les autres enfants jouer ensemble, se parler, communiquer, se passer le ballon. Mon fils, lui, jouait seul. Il ne parlait à personne, il avait du mal à faire les mêmes activités que les autres, et se fatiguait vite. C’est là, à chaque fois, que la réalité me frappait douloureusement : ça m’était égal que mon fils soit autiste, ça ne nous empêchait pas d’avoir une relation forte tous les deux. Je le trouvais doué avec les chiffres. Il connaissait l’alphabet et savait compter alors que les autres apprenaient encore à reconnaître leur prénom sur le tableau. Il faisait les puzzles comme personne, il adorait écouter Peer Gynt de Grieg et je lui racontais des histoires merveilleuses avec des trolls cachés dans la montagne.
Mais là, au parc, je le voyais isolé, et cela me faisait de la peine. N’y avait-il que moi qui pouvais voir à quel point mon enfant était merveilleux ? Le fait qu’il soit extraordinaire le condamnait-il à vivre seul ?
J’avais peur pour mon fils et en même temps une petite voix toute au fond de mon cœur me disait de ne pas m’inquiéter. Alors, comme à chaque fois, le dimanche soir, je cessais d’avoir mal et me rendormais, rassurée. 
Au fil des ans, mon fils s’est mis à parler, mais la communication avec les autres restait difficile. Les enfants de son âge refusaient de jouer avec lui et certains le persécutaient. Pourtant, curieusement, il y avait chaque année de plus en plus de copains autour de lui. Je sentais bien que la différence s'atténuait peu à peu, mais c’était loin d’être simple.
Aujourd'hui, Le Petit Prince a 14 ans. Il a de vrais copains et est même parti en vacances avec l’un d’entre eux. Il a un esprit très critique envers ses « potes », et n’hésite pas à prendre ses distances quand l’un d’entre eux l’ennuie. Il n’est plus dépendant des autres. Et quand ses copains viennent à la maison… je me demande vraiment qui est le plus différent !
Finalement, la différence, ce sont les autres qui nous la montrent, qui nous la jettent à la figure comme si c’était mal. Dans mon cœur, je n’ai jamais considéré mon fils comme différent, je n’avais pas envie de le voir comme une anomalie, comme un marginal, comme un enfant à remettre dans le droit chemin. Mais j’étais bien la seule dans ce cas. La différence, ce sont les autres qui la créent.

Elvire Brugne, auteure du blogue Le petit prince a dit