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Vivre l'Halloween, différemment?

Vivre l'Halloween, différemment?
Pour suivre le thème du blogue de cette semaine, je me dois de vous entretenir sur le vécu de la fête de l'Halloween dans une famille avec des neurotypies variées. Mais en fait, est-elle vécue de manière si différente? À vous d'en juger.

Ici, pas besoin de me casser la tête à propos des costumes. Année après année, je sors ma trousse de crayons gras. Seuls le blanc et le rouge sont usés et le noir à peine entamé. Je défroisse capes et pantalons de nylon noir et traficote les plastrons rouges qui ne tiennent plus qu'à un fil.

- Et pourquoi pas un autre costume Brandon ?
- Parce que je veux comme d'habitude !
- Jeffrey, tu te déguises comment cette année ?
- En minou, non en Batman, heu non en pompier, non non non en minou, heuuuuu.
- En quoi finalement ?
- Je sais pas, peut-être comme Brandon ?

Eh oui, ce sera comme Brandon, le grand frère, évidemment.

Le fameux matin du 31 octobre, je tente d'introduire dans notre routine déjà chaotique, bien qu'ultra organisée, une session de maquillage en règle. Alors dans l'ordre: le déjeuner, l'habillage, le brossage des dents et enfin le maquillage et la coiffure (tant qu'à vivre dangereusement). Et tout cela, sans l'aide de la ô combien bénie médication. En effet, celle-ci offrira de beaux petits vampires tout frais et dispos aux professeurs qui les accueilleront quelques heures plus tard.

La sortie des classes se fait dans le brouhaha; les petits monstres sont en permission ce soir ! Mes deux vampires se présentent les pantalons quelque peu boueux et la cape légèrement de travers. Bof! Rien ne paraitra trop le soir venu. Par contre, les retouches aux maquillages seront plus que nécessaires puisque ce sont maintenant les manches qui sont maculées de blanc et de rouge.

En bonne gestionnaire de catastrophes, la planification de la soirée est déjà prévue : souper, retouches aux costumes, trajet, retour à la maison. Avec des enfants, disons moins dans la norme, les parents doivent aussi apprendre à gérer l’imprévu.

Déjà, les quelques friandises données par les professeurs ont eu raison de l'appétit si fragile de mon duo et nous avons de la difficulté à les garder assis. Manteaux sur le dos, c'est maintenant qu'ils veulent partir! Mon conjoint et moi avons beau essayer d'y aller avec la raison en leur rappelant que la soirée va être longue avec l'estomac vide, qu'il ne fait pas encore noir, qu'il faut refaire le maquillage, rien n'y fait. Nous y voici, le plus vieux fait la roche dans le coin de la cuisine, ça ne se passe pas comme il l'avait prévu. Nous avons droit à ce que certains appellent une rigidité, mais qui dans les faits est plus de l'ordre de « pour me sentir en confiance, car mon environnement est pour moi imprévisible, je m'étais fait un plan que tu viens de bousiller, alors merci, je me retrouve au point de départ ». Et voilà, pour le moment, toute demande de collaboration est impossible. Au même moment, les coussins du salon font un vol plané vers la cuisine. Ça y est! Le petit dernier vit une frustration. Et comme sa médication ne fait plus effet, la gestion des émotions lui fait cruellement défaut. Sortez les boucliers, car tout objet y passera. Mon chum et moi ferons comme lors de nombreux soupers, c'est-à-dire manger en silence en prenant de grandes respirations.

Comme les garçons ont déjà manteaux et bottes sur eux et qu'ils boudent près de la porte d'entrée, je reprends mes couleurs pour leur refaire une face de monstre convenable malgré tout.

Finalement, nous prenons la route vers le quartier le plus animé de la ville. Celui où toutes les maisons sont décorées et où les bonbons coulent à flots. Nous stationnons la voiture et donnons les directives aux enfants.

- Vous marchez sur le bord de la rue, vous ne courez ni dans la rue ni sur les terrains gazonnés, vous nous attendez et n'oubliez pas vos mots de politesse!

Le temps est à la fête. Parents et enfants, main dans la main, vont de porte en porte. C'est beau à voir! Enfin, je ne parlais que des autres familles, car déjà, après trois maisons, mon benjamin court comme un poulet sans tête d'une porte à l'autre, sans prendre garde ni aux voitures ni aux enfants qui entravent sa quête. Je sais d’ores et déjà que de crier, de menacer et de retenir ne servira à rien, alors je cours derrière lui. Du côté de mon aîné, les choses vont bon train. Rechignant un peu quand les gens lui donnent du chocolat puisqu'il est allergique au lait, il remercie tout de même. Il fera des échanges stratégiques avec son frère plus tard.

Sa route vers le sac bien gonflé de friandises est tout de même parsemée de plusieurs arrêts très intéressants. Effectivement, Brandon a un intérêt très marqué pour tout objet à '' pitons '' . C'est avec un mélange de fierté et d'exaspération que nous regardons notre rejeton prendre en main une ''machine à boucane'' à la porte 202 et l'examiner longuement. Puis un stroboscope à la porte 208, etc., etc., etc. Activant tout ce qui peut s'activer sur ce genre de bidule, il nous est alors quasi impossible de lui faire continuer son chemin.

- Allez garçon ! Ton frère est dix maisons plus loin.
- Minuteeee ! Je regarde cette chooose.
- C'est la même que l'an dernier. Viens-t'en!
- Miiiinuteeeee ! Je regarde le jet de fumée.
- Tu dois bien le voir, tu l'as à deux centimètres du visage.

Maintenant un tantinet frustré par mon empressement, il répond sans ménagement aux personnes lui offrant du chocolat qu'il n'en veut pas, car il est allergique au lait! Il tourne alors les talons et va, sans demander son reste, laissant les gens pantois devant cette franchise implacable.

Au loin, je vois mon conjoint tenir un vampire en furie à bout de bras. Bon! Le signal est donc donné. L’Halloween est terminée pour nous. Je tire sur la cape de Dracula senior qui ne s'en laisse pas imposer. Le retour ne sera pas facile. Nous tenons tout de même une arme soit celle de promettre aux garçons, sitôt la routine terminée, le loisir de découvrir leur butin.

Les enfants dorment. Ils ne sont pas lavés et mal démaquillés soit, mais ils dorment. Nous valeureux parents, sommes assis sur le divan, complètement fourbus et nous rendons service à monsieur mon aîné en se bourrant dans ses mini tablettes de chocolat. C'est ça manger ses émotions?

Bon Halloween à tous!

Marie-Josée Aubin,
Maman de Brandon 10 ans tsa et Jeffrey 8 ans tsa, tda-h